Film de Xavier Giannoli (2018)                             Article vu 2032 fois

Jacques (Vincent Lindon) est journaliste à Ouest-France. Il vient de recevoir un courrier… du Vatican, lui demandant de se rendre à Rome pour une affaire confidentielle. Arrivé sur place, un certain Monseigneur lui demande de participer à une commission d’enquête « canonique » sur de prétendues apparitions dans les  Alpes de Haute Provence.

Dans un petit village, une jeune fille, Anna (Excellente Galatea Bellugi) dit avoir une apparition de la Vierge Marie. On a tenté de ne pas accorder d’importance à l’affaire, mais rien n’y fait, les pèlerins affluent et il est prévu  de construire un sanctuaire. Jacques est très loin de la pratique religieuse et de ces questions. C’est justement pour cela qu’il est choisi. Il accepte la demande romaine et se rend aussitôt sur les lieux. Beaucoup de monde commence à grouiller autour d’Anna, le Père Borrodine, curé du village, Anton, un américain et les pèlerins qui affluent du monde entier… Alors, apparition ou « mystification » ?

L ‘Apparition est d’abord un film très bien fait, bien joué, bien construit. On voit à peine passer les 2h17...

Le film : le scenario tient la route et surtout le suspens est fort bien mené. Ce n’est pas un polar, mais par l’enquête canonique et les investigations de Jacques, on va de découverte en surprises, de suites attendues en rebondissements.

Coté acteurs, Galatea Bellugi est impressionnante de vérité : lorsqu’elle parle, les yeux levés vers le ciel, tout de sa posture jusqu’à sa respiration est vrai. On n’a jamais imaginé une « voyante » mais en regardant Anna on est interpellé comme des témoins. On se dit : « Et si c’était vrai… ? ».

Vincent Lindon, de son côté, est parfait, très authentique aussi dans ce rôle d’agnostique émoustillé par cette histoire invraisemblable et les arcanes inattendues de son enquête. Petit bémol, le côté « gourou » assez manipulateur de tous ceux qui grouillent autour de Anna m’a semblé un peu forcé, un peu appuyé…. mais, nous sommes au cinéma !

L’enquête canonique : L’apparition, nous fait participer, de l’intérieur et en direct à une enquête canonique, menée par l’Eglise pour établir si un phénomène peut être laissé à la contemplation mystique des fidèles ou « non reconnu ».

Les premiers échanges entre le journaliste et ses pairs de la commission (plusieurs prêtres, une psychiatre, un théologien...) sont édifiants. Jacques semble surpris que lors de l’interrogatoire d’Anna, l’enregistrement vidéo soit soumis à l’accord de cette dernière. Effectivement les médias, eux, filment et diffusent leurs enregistrements sans l’accord des personnes interrogées.. Jacques découvre aussi et la plupart des spectateurs avec lui, la très grande prudence et la haute rigueur de l’Eglise sur ces sujets, alors que certains opposants anti-cléricaux la couvrent souvent de tous les maux, mensonges, dissimulation, manipulation, etc...

La question religieuse : le questionnement de la foi est omniprésent. La description qui est faite d’Anna reste très respectueuse. L’attitude de la jeune voyante est même édifiante, tant elle apparaît dans le don très humble et la fidélité à sa « mission »

Le point de vue d'Annie :

2h17… n’est ce pas trop long pour une… apparition ? Et bien non !

Car pour embrasser son sujet, le réalisateur Xavier Giannoli prend le temps de bâtir un scénario en forme de chapitres qui à petit pas nous font frôler… la vérité ?  A moins que…

De fait Xavier Giannoli maitrise parfaitement une histoire d’actualité : ce journaliste qui couvre la guerre en Syrie, meurtri dans sa chair et son âme qui fait un pont avec une histoire…d’éternité ! Une gamine malmenée par la vie qui a vu et entendu la Vierge Marie qui lui transmet un message d’amour et un appel à la conversion et vers laquelle les foules se déplacent. Le réel et le surnaturel...

Giannoli , dans une interview , défend un point de vue intéressant : « Ce qui nous humanise, c’est le mystère, et ce n’est pas grave si ça reste sans réponse ».

Oui, ce mystère notre journaliste va le cerner au plus près, en avançant dans son enquête au sein de cette commission mandatée par la  congrégation pour la doctrine de la foi, « qui préfère toujours passer à côté d’une vraie apparition plutôt que de valider une imposture ».

Alors ? Est ce qu’il y a quelque chose ou rien ? Et le cinéma, art de l’image peut-il rendre compte de l’invisible ?

Une icône très abimée par Daesh  va peut-être servir de chemin…. à notre journaliste…  «Parfois, la foi voyage incognito »

La maitrise du sujet est remarquablement servie par l’écriture, la mise en scène et le jeu des acteurs. C’est un très beau film, à voir en famille avec des grands adolescents.